mardi 28 août 2012

Tangente vers l'est de Maylis de Kerangal


Titre: Tangente vers l'est
Auteur: Maylis de Kerangal
Éditeur: Verticales,2011

Présentation: Cette fiction est inspirée d'une fiction radiophonique intitulée Lignes de fuite, écrite pour France Culture et diffusée en août 2010. Elle fut réalisée par Cédric Aussir et était elle même inspirée d'un voyage dans le transsibérien entre Novossibirsk et Vladivostok


L'histoire: Aliocha, jeune conscrit russe n'a pu échapper au service militaire.
Il embarque donc à bord du transsibérien pour rejoindre comme des centaines d'autres sont lieu d’affectation . Comme ils le redoutent, le train les achemine vers la Sibérie de sinistre mémoire, «  terre de bannissement et oubliette géante de l'empire tsariste avant de virer pays du goulag. « Comme tous il a tenté d'y échapper mais l’exemption est réservée aux fils de familles qui eux peuvent se payer un faux certificat médical. Sans argent et sans personne pour veiller sur lui puisque sa mère est morte, il n’a aucune chance d'obtenir de sursis supplémentaire puisqu'il n'est pas non plus chargé de famille.
La peur au ventre il va peu à peu imaginer un stratagème pour s'échapper. La rencontre inopinée avec une française elle même en fuite loin d'un amour impossible va lui en donner l'occasion.
Malgré la barrière de la langue, elle va l'aider à fuir l'officier qui surveille la troupe de conscrit. A bord du train les destins d'Hélène et d' Aliocha vont se nouer.

Avis: On se glisse avec aisance à la suite des fugitifs. L'écriture est fluide et cadencée comme réglée sur le tempo du train.
Hélène d'abord rétive et méfiante puis maternelle va peu a peu devenir la complice de l’évasion presque malgré elle. J’ai aimé la subtilité avec laquelle l'auteur nous fait partager les pensées et les angoisses d'Aliocha et d’Hélène.
Le dialogue se tisse à travers les postures de deux corps, ils ne parlent qu'avec les mains, les sensations apparaissent d'ailleurs nettement: odeurs, prégnance du grain et de la couleur de la peau.
Ce huis clos où l'univers feutré du train est à la fois ventre et prison s'ouvre parfois vers de rares et formidables trouées de liberté comme par exemple ce spectacle grandiose du lac Baïkal où les personnages plongent l’œil vers l'inquiétant mastodonte liquide, ou bien encore la scène finale où surgit l'océan et son inqualifiable liberté.
Au magnifique voyage connoté que peuvent suggérer les mots exotiques Oulan-Oude,transsibérien, Irkoutsk répond cet enferment terrible sous l’œil l'implacable Letchov, officier chargé de la troupe et des mauvais regards tout prés à dénoncer, ainsi que la violence des autres garçons, rustres et frustes qui tentent d'oublier leurs peurs à coup de poings.
Ce livre est un petit bonheur. L'histoire est haletante L’écriture accompagne la tension dramatique. Elle fait alterner de longues phrases presque chantantes, courant les champs glacés et cliquetant avec d'autres paragraphes plus calmés par le cadre d'une ponctuation en accalmie syntaxique où l'espoir fait un instant oublier que le danger rode.
L'écriture de Maylis de Kerangal est élégante et légère. Autre qualité non négligeable à mon sens, ce livre est beaucoup plus abordable me semble-t-il que le précèdent Naissance d'un pont. Pour une première lecture de cet auteur c'est un roman idéal tout comme Corniche Kennedy 


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