jeudi 28 juin 2012

La liseuse de Paul Fournel

Titre: La liseuse
Auteur: Paul Fournel. lien vers le site de l'auteur.
Éditeur: POL,janvier 2012
Le début de L'histoire: Paul Dubois est un vieil éditeur un peu désabusé. Comme chaque vendredi, il s'apprête à emporter son tas de manuscrits à lire pour le week-end. Comme à chaque fois, il va s'endormir sur la pile car "depuis des lunes,  il  ne lit plus, il relit… C’est la même histoire d'un mec qui rencontre une fille mais il est marié et elle a un copain…"
Pourtant, ce soir là, " alors que la maison est plongée toute entière dans un silence de vieux papiers" une stagiaire envoyée par Meunier, le grand patron, lui apporte un eBook contenant tous les manuscrits du week-end.
Cette chose noire et froide semble tout d'abord bien hostile à ce papy papivore bon vivant et sensuel qui aime le boire et le manger roboratif et qui renifle les manuscrits parce qu’une « page bien sentie est une page déjà lue »

« Je suis le fantôme du lecteur que je fus » déclare t-il se préparant malgré tout à partir à la campagne avec sa femme Adèle, attachée de presse dans l’édition. Il a horreur de la campagne,  c’est pour cette raison qu’il y va tous les week-end, sans doute parce qu’il a érigé le saugrenu comme art de vivre pour échapper le mieux possible à l’ennui qui guette  »Maintenant il va lui falloir une pochette spéciale pour y glisser sa liseuse et dire adieu à son vieux cartable adoré dont il va devoir se séparer pour cause de flottement dans son sac. Il en profite donc pour lui adresser une déclaration d’amour avant de renouer avec son parcours habituel qui passe en dessous de l’arbre où il aime lire ses poèmes favoris, poèmes dont il sait que son patron ne voudra pas les publier…
Avis
Cette entrée en matière peut faire accroire que nous allons subir un roman nostalgique sur la probable disparition du livre que menace la vilaine édition électronique. Que nenni, beaucoup plus subtil, l’histoire est certes écrite par un amoureux du livre et de la littérature conscient des bouleversements à l’œuvre. Cependant l’histoire contient un secret qui ne vous sera révélé qu’à la fin…Parfois impertinent, toujours drôle et plein d’une verve tendre,l’ érudit adresse un pied de nez aux lecteurs trop sages qui ne vont pas manquer de dire :c’est quoi ce truc ! Vous allez adorer ou détester ! Sa loufoquerie m’incline à  qualifier le récit d’ornithorynque littéraire.
Nous suivons l’éditeur dans le pragmatique exercice de son métier à la rencontre de ses auteurs de ses libraires, nous apprenons que la maison était avant son bébé, elle porte d’ailleurs encore son nom mais si Dubois est aujourd’hui relégué au rang de simple employé et se sent sur un siège éjectable il n’est pas de celui dont on fait les flûtes et  pour être en fin de parcours il ne se laissera pas enterrer tout de suite. Il aide donc quelques jeunes stagiaires à inventer: une maison d’édition d’un tout nouveau genre qui s’appellera Au coin du bois et faisant la part belle au numérique et aux jeux littéraires. Si ce roman n’est peut-être pas le meilleur que j’ai lu cette année, je m’y suis sentie comme dans des pantoufles. On s’y glisse facilement, ça sent le bon petit plat mitonné et le sourire en coin,c’est attachant comme du Blondin, ça se lit à grandes lampées joyeuses. Avec le temps les choses deviennent moins gaies, le petit bistrot du coin où il aimait emmener ses auteurs ferme pour être remplacé par un chinois, les amours se meurent, il est vrai mais… Le sujet de l’histoire c’est aussi l’amour de la lecture qui lui restera inchangé et se transmettra quelque soit le support :papier,numérique c’est le livre qui peut être a la fin fera dire si la vie vaut la peine de continuer à être lue. Un livre qui sur ce plan là devrait donc intéresser ceux qui partagent ce bonheur là.
« Extrait
« Les livres forment maintenant un rempart sur le bord de ma table. Le carton où ils retourneront lorsqu’ils seront lus est posé sur le parquet. Je suis enfin derrière une muraille de livres. Chaque jour je me suis dit : « il faut que tu lises ça. » » »Si j’avais le temps je lirais ça. » »Quand je pense que je n’ai toujours pas lu ça ». »Ils ont de la chance ceux qui peuvent lire en liberté. » »Si seulement j’avais lu ça, je serais un bien meilleur lecteur… »
Maintenant ils sont là, devant moi. Les Belle du seigneur,Les Tiers livre,Les Bûcher des vanités,les Bardanes par exemple,Les coup de dé, les Trente et un au cube,les Habits noirs,les Tours du jour en quatre-vingts mondes, les poèmes en langage enfançon du capitaine Papillon. »

Sur l’auteur, il est écrivain, éditeur, animateur culturel,oulipien et cycliste tel qu’il le dit lui même dans sa bio. J’avais déjà lu et apprécié son style dans son Poil de cairote paru en 2004 au Seuil. Chroniques qu’il tint au cours des trois ans durant lesquels il travailla au Caire.


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