lundi 27 avril 2015

En attendant demain de Nathacha Appanah

Coup de cœur


Magnifiquement construit et écrit, le nouveau roman de Nathacha Appanah est particulièrement riche car il offre une vision originale des tourments du couple, grâce à son écriture impressionniste. Par touches multiples, s'y élabore la géographie de trois âmes fortes aux quintessences multiples à travers de nombreux thèmes, notamment celui du deuil, de la création et en particulier de l'inspiration.

Il s'ouvre avec l'aube tel le destin d'une tragédie antique qui enveloppe inexorablement ses personnages, puis s’achève au crépuscule.
L'aube avance et balaie la plage, la forêt , le lac, la rue, la maison et la prison où s'est déroulée l'intrigue.

Tout est achevé désormais car le prologue fait l’inventaire du désastre: les regrets et le terrible.
Adam et Anita semblent submergés en permanence par cette pensée qu'il eût suffit de peu pour qu'il en fût tout autrement.

Adèle s'est noyée, Laura ne marche plus, Adam attend sa sortie de prison depuis « quatre ans, cinq mois et treize jours ». Il« a pensé à avant, à toutes ces promesses non tenues, à ces dizaines de petites lâchetés qu'on sème derrière soi. Il a aussi pensé à Adèle.»
Anita sa femme n'a pas dormi non plus. Depuis sa cuisine elle se souvient « des rêves oubliés, des actes manqués,... elle a pensé à Adèle».

Trois mouvements essentiels de la vie du couple composent ce roman agencé en trois parties explorant le passé et le présent.

La première s'ouvre sur la rencontre entre Adam et Anita lorsqu'ils sont deux étudiants de 24 ans, lui en architecture et elle en lettres.

La première connivence se tisse par le commun sentiment de ne pas être à leur place, elle la Mauricienne venue faire ses études à Paris, lui le provincial.

Ils sont tous deux pétris de grandes ambitions car ils s'imaginent un destin artistique. Adam veut devenir un grand peintre et Anita un écrivain qui compte.

Ils choisissent de s'installer dans les landes, région d'origine d'Adam, dans une maison à la lisière de la forêt. Une fille va leur naître: Laura.

Anita travaille comme correspondante dans le journal local, lui comme architecte.

Petit à petit les espoirs flamboyants de la jeunesse s'étiolent.

Le couple, confronté au temps qui passe, se laisse aller. Petites lâchetés, peurs , paresses... tout est bon pour les détourner de ce fameux destin auquel ils aspirent.
Leur quotidien devient morne et pesant, les copains d'hier agacent, l'amour même semble terni.
La deuxième partie raconte leur rencontre avec Adèle, mauricienne sans papier ni passé. Femme sculpturale et mutique, elle cache un lourd secret. Elle va devenir la nounou de Laura mais bien plus encor car elle transforme la vie du couple.

Ceux-ci vont retrouver la flamme qui leur manquait pour vivre et créer. A son insu, elle leur insuffle l'inspiration nourricière. La relation qui va s'instaurer entre elle et Anita l'encourage à se dévoiler.

Cependant Anita et Adam vampirisent son histoire au profit de leur art sans rien en dire à Adèle : elle pour écrire, lui pour peindre.
La troisième partie va raconter comment le drame va se tisser et faire basculer la vie des quatre personnages vers l’irréparable.

J'ai beaucoup aimé cette histoire ainsi que l’écriture de Nathacha Appanah. Elle excelle à traduire les sentiments, l’amplitude et la richesse des destinées, les pensées des personnages.

Ils sont attachants, et ont des caractères bien trempés. Il faut mentionner aussi les tableaux aux tonalités spirituelles dépeignant les attitudes pleines d'à priori racistes ou réactionnaires vis à vis des noirs, des femmes et des femmes de ménage par exemple.

Les lignes consacrées au rédacteur en chef du journal où travaille Anita ou bien à la patronne d'Adèle sont à ce titre des modèles du genre, mais la force du roman est de mettre certaines expressions rétrogrades dans la bouche de personnages au demeurant sympathiques et qui témoignent du degré d'infection présent dans notre façon de nous exprimer et de percevoir les autres.

 La pensée devient une pensée « réflexe » qui traduit un colonialisme indécrottable.
Citons l' expression « femme de couleurs ». Adam la trouve très jolie mais elle n'est pourtant qu'une façon de traiter le mot noir comme un gros mot alors qu'il ne désigne qu'une réalité neutre.
Autre exemple, la réaction d'un ami du couple découvrant Adèle et supposant qu'elle est soit la nounou ou la bonne mais surtout pas autre chose.

Enfin on lit ce roman avec avidité bien que dès le départ on sache qu’une fin tragique est attendue. C'est là toute la magie de l’écriture de Nathacha Appanah qui est l'un de mes écrivains préféré.

J’espère vivement qu'il ne faudra pas attendre de nouveau sept ans avant de la lire de nouveau J'avais beaucoup aimé Le dernier frère
Je conseille régulière les romans de cet auteur aux lecteurs de ma bibliothèque et
ceux-ci deviennent souvent des adeptes.

Biographie

L'écrivain sera présente au festival Étonnants voyageurs qui se déroulera du 23 au 25 mai 2015 à Saint Malo. Malheureusement et sauf erreur de ma part, je ne trouve pas de biographie sur le site ni sur le site de son éditeur?

 D’après le  site http://www.lehman.cuny.edu/ile.en.ile/paroles/appanah.html.
" Nathacha Appanah est née le 24 mai 1973 à Mahébourg ; elle passe les cinq premières années de son enfance dans le Nord de l'île Maurice, à Piton. Elle descend d'une famille d'engagés indiens de la fin du XIXe siècle" D’après Wikipédia, elle est installée en France depuis 1998. Sa langue maternelle est le Créole mais elle écrit en France le plus souvent. Elle est journaliste et romancière.


Bibliographie

  • 2003 : Les Rochers de Poudre d'or, Gallimard, Prix RFO, Prix Rosine Perrier
  • 2004 : Blue Bay Palace, Gallimard, Grand prix littéraire des océans Indien et Pacifique
  • 2005 : La Noce d'Anna, Gallimard, Prix grand public du Salon du livre de Paris, Prix Passion
  • 2007 : Le Dernier Frère, Éditions L’Olivier, Prix roman Fnac, prix des lecteurs de l'Express, Prix Culture et Bibliothèques pour tous, prix Obiou, prix de la Fondation France-Israël
  • 2015 : En attendant demain, Gallimard

1 commentaire:

  1. J'ai adoré ce roman également, tout à fait d'accord!
    Bonne continuation
    Jouetmecanic

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