COUP DE COEUR BIBLIRE |
« Fondé
en 1953, l'établissement de La Borde, est célèbre dans le monde de
la psychiatrie. Cette clinique hors normes entendait rompre avec
l’enfermement traditionnel qu’on destinait aux malades mentaux et
les faire participer à l’organisation matérielle de la vie
collective. Ce lieu doit beaucoup à Félix Guattari, psychanalyste
et philosophe qui codirigea la clinique jusqu’en 1992. »
La
fille du psychanalyste et philosophe Félix Guattari raconte son
enfance à La Borde. En
une série de petits tableaux, l'auteur livre ses souvenirs d' enfant. Il s'agit là une vie toute simple, presque ordinaire et en tout les cas paisible et heureuse, suspendue hors du temps. La meilleur façon de vous faire partager ce bonheur de lecture est de vous proposer ce petit extrait. "On était ceux de la Borde.
Dans le village de Cour-Cheverny du début des années soixante, la Clinique constituait encore une présence fantastique. La peur des fous était tangible. Elle nous a sensiblement mis dans le même sac, une bande de drôles de loustics qui laissaient des Fous circuler dans un parc sans barrières et vivaient avec eux. C'est lorsque j'ai été scolarisée en maternelle que j'ai aperçu la situation.
Dans l'univers foisonnant et complet du phalanstère labordien où nous étions nés, je n'avais jamais pris la mesure des choses.
Nous savions que les pensionnaires étaient des Fous,évidemment; mais la Borde, avant tout, c'était chez nous.
Les Pensionnaires, on disait aussi les Malades, n'étaient ni en plus ni en moins dans notre sentiment. Ils étaient là et nous aussi.
Nous avions pour certains de l'affection et certains d'entre eux nous aimaient beaucoup aussi. Avant toute chose, pour les enfants que nous étions, ils étaient des adultes. En temps que tels, ils étaient dépositaires d'une autorité et plus forts que nous, la première distinction se faisait là.
On nous disait souvent de ne pas les déranger, de ne pas crier.
Pour le reste, il me semble que, comme les autres enfants de La Borde, j'ai assez naturellement fait le tri dans les contacts de tous les jours,entre ce qui était de la folie et ce qui relevait de la relation humaine la plus fondamentale, que protégeait farouchement le projet de La Borde,sans que l'un n'empêche l'autre. L'art de la conversation, le souci de l'autre, la gentillesse ou l'impatience, le salut, la prise de nouvelles, l'intérêt sincère, les sourires, les insultes, les absences et les distractions, les visagéités inquiétantes ou ravagées, les comportements angoissées, l'atonie ou même la catatonie, les corps étrangers ou très dignes, les mains martyrisées, les tenues, les odeurs, tout était à la fois signal d'un contact possible ou pas, comme dans la vie en communauté; et selon les moments, auprès d'un tel ou d'une telle nous déviions souplement nos trajectoires ou les arrêtions puis repartions dans nos cavalcades d'enfants. "
Ce premier récit autobiographique m'a vraiment charmé et j'attends avec impatience le deuxième volet qui doit paraitre le 22 août prochain. Il est des écrivains qui donnent le sentiment après les avoir lu que l'on respire mieux. Emmanuelle Gattari est de ceux-là.
A découvrir!
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