dimanche 14 avril 2013

Un notaire peu ordinaire d'Yves Ravey


Un notaire peu ordinaire d'Yves Ravey aux éditions de Minuit, janvier 2013


L'histoire de ce court roman tient en quelques mots. A sa sortie de prison, Freddy ne trouve aucun endroit où aller. Même sa cousine Martha Rebernak ne veut pas l’héberger, craignant pour sa fille Clémence. Depuis la mort de son mari, elle se bat pour élever seule ses deux enfants. Paul étudiant gagne quelques sous dans une station service et Clémence, lycéenne flirte avec l' insouciance offerte à son âge. Elle prépare le Bac entre deux bains de soleil et quelques soirées avec les copains. On comprend vite que le fameux Freddy a purgé 15 ans de prison pour avoir violenté la petite Sonia.
 Désemparée devant l'insistance de l'éducateur de justice qui s'occupe de Freddy pour le loger près de chez elle, Martha se tourne vers Maître Montussaint, le notaire qui lui est déjà venu en aide à la mort de son mari.

Petit bijou littéraire, l'action progresse subtilement vers le drame, la tension et l'inquiétude de Martha montant crescendo. L'écriture sèche et ramassée à travers le récit mené essentiellement par Paul le frère de Clémence confine à l'interrogatoire de police. Il est purement factuel , dénué de toute description superflue stylisant la force des événements et l'impact dramatique sans complaisance voyeuriste. L'effet est d'autant prégnant sur le lecteur, que les indices égrainés dans le récit suggèrent le drame final sans jamais le décrire sinon par ses effets. Il n'est de pire bourreau que celui qui se pare des atours de la respectabilité...

J’avais découvert cet auteur avec  Le drap et de nouveau je suis saisie par la qualité du nouveau roman d'Yves Ravey qui n'est pas proportionnel  à sa notoriété et c'est bien dommage ! Gageons qu'il passe plus de temps à parfaire son écriture qu'en coterie littéraire. Monsieur Ravey est né dans le Doubs une certaine année autour de 1950 ! Nous n'en apprendrons donc guère plus au dessous de sa photo d'homme souriant de son site éditeur si ce n'est qu'il ne chôme pas puisqu'il s'agi de son 12ème roman et qu'il est professeur de Français. Glissons donc sur le lisse de l'image et revenons à l'histoire qui se lit d'une traite, haletante, passionnante. Le roman aurait pu être adapté par un Claude Chabrol. Il pourrait se dérouler n’importe où en province parmi ses chers notables et ses personnages cyniques qu'affectionnait tant de mettre en scène le cinéaste disparu. Comme dans les contes, cela commence calmement en ouvrant un livre, un album de famille en fait, d’où semble s'échapper l’ogre qui bientôt fera son apparition dans l'histoire...

Extrait : « Les soirs d'été, et jusqu'à l’âge de mon entrée à l'université, ma mère avait pris cette habitude de sortir de l’armoire du salon l'album de famille . Nous nous installions tous les deux à la table de la cuisine pour commenter une à une les photographies. Elle me parlait alors de mes oncles, de mes tantes et de mes cousins.C'est ainsi que , pour la première fois, j'ai appris l'existence de mon cousin Freddy. Elle me l'a d'abord montré jeune homme, assis dans un fauteuil de toile, le visage souriant, sous l'abricotier de cette maison neuve où nous logions, elle et moi, avec ma sœur Clémence, depuis la mort de mon père.
Un autre soir, comme je tournais la page de l'album, je lui ai demandé si c’était toujours lui, debout à la terrasse d'un bistrot. Il posait à coté de mon père, en habit du dimanche, costume cravate.Elle m'a répondu oui.Nous prenions une tisane de tilleul à la fleur d'oranger. La sonnette a retenti. Ma mère a cessé de coudre.Puis elle s'est remise à son ouvrage.Au second coup de sonnette,elle posé le chemisier de ma sœur sur la boite à aiguilles et elle s'est levée. La porte de notre véranda encombrée de germaniums était fermée. Ma mère a longé le couloir et tourné la clé:son cousin Freddy est apparu sur le seuil. »

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