Poème :
"Bonjour mon coeur, bonjour... de Pierre de Ronsard"
Bonjour mon cœur, bonjour...
Bonjour mon cœur, bonjour ma douce vie.
Bonjour mon œil, bonjour ma chère amie,
Hé ! bonjour ma toute belle,
Ma mignardise, bonjour,
Mes délices, mon amour,
Mon doux printemps, ma douce fleur nouvelle,
Mon doux plaisir, ma douce colombelle,
Mon passereau, ma gente tourterelle,
Bonjour, ma douce rebelle.
Hé ! faudra-t-il que quelqu'un me reproche
Que j'aie vers toi le cœur plus dur que roche
De t'avoir laissée, maîtresse,
Pour aller suivre le Roi,
Mendiant je ne sais quoi
Que le vulgaire appelle une largesse ?
Plutôt périsse honneur, court, et richesse,
Que pour les biens jamais je te relaisse,
Ma douce et belle déesse.
Pierre de Ronsard
Le second livre des amours (1555)
Poème :
"Chaleur d'Anna de Noailles"
Chaleur
Tout luit, tout bleuit, tout bruit.
Le jour est brulant comme un fruit
Que le soleil fendille et cuit.
Chaque petite feuille est chaude
Et miroite dans l'air ou rôde
Comme un parfum de reine-claude.
Le soleil comme de l'eau pleut
Sur tout le pays jaune et bleu.
Anna de Noailles
L'ombre des jours (1902)
Poème :
"Chant de nourrice de Marie Noël"
Chant de nourrice
Dors, mon petit, pour que demain arrive ;
Si tu ne dors pas, petite âme vive,
Demain le jour le plus gai,
Demain ne viendra jamais.
Dors, mon petit, afin que l'herbe pousse,
Ferme les yeux ; les herbes et la mousse
N'aiment pas dans le fossé
Qu'on les regarde pousser.
Dors, mon petit, pour que les fleurs fleurissent.
Les fleurs qui, la nuit, se parent, se lissent,
Si l'enfant reste éveillé,
N'oseront pas s'habiller.
Marie Noël
Les chansons et les heures (1922)
Poème :
"Chant du chevalier de Marie Noël"
Chant du chevalier
Il était noble, il était fort.
Il se battait pour une reine.
Il était noble, il était fort
Et fidèle jusqu'à la mort.
Il la prit par la main un soir.
- C'était la plus pauvre des reines -
Il la prit par la main un soir
Et la fit sur le trône assoir.
Il posa la couronne d\'or.
- C'était la plus humble des reines -
Il posa la couronne d\'or
Sur sa tête comme un trésor.
Haut l'épée, il se tenait droit
- C'était la plus faible des reines -
Haut l'épée, il se tenait droit
Pour la défendre, elle et son droit.
À ses pieds tristes, en vainqueur,
- C\'était la plus triste des reines -
À ses pieds tristes, en vainqueur,
Il mit le monde... Hors son coeur.
Il mourut pour sa reine un jour,
- C\'était la plus pauvre des reines -
Il mourut pour sa reine un jour...
Il aimait une autre d\'amour.
Marie Noël
Chants d\'arrière-saison (1961)
Poème :
"Hirondelle qui vient de la nue orageuse...de Louise Michel"
Hirondelle qui vient de la nue orageuse
Hirondelle fidèle, où vas-tu ? dis-le-moi.
Quelle brise t’emporte, errante voyageuse ?
Écoute, je voudrais m’en aller avec toi,
Bien loin, bien loin d’ici, vers d’immenses rivages,
Vers de grands rochers nus, des grèves, des déserts,
Dans l’inconnu muet, ou bien vers d’autres âges,
Vers les astres errants qui roulent dans les airs.
Ah ! laisse-moi pleurer, pleurer, quand de tes ailes
Tu rases l’herbe verte et qu’aux profonds concerts
Des forêts et des vents tu réponds des tourelles,
Avec ta rauque voix, mon doux oiseau des mers.
Hirondelle aux yeux noirs, hirondelle, je t’aime !
Je ne sais quel écho par toi m’est apporté
Des rivages lointains ; pour vivre, loi suprême,
Il me faut, comme à toi, l’air et la liberté.
Louise Michel
Poème : "Jours d'été de Marceline Desbordes-Valmore"
Jours d'été
Pour regarder de près ces aurores nouvelles,
Mes six ans curieux battaient toutes leurs ailes ;
Marchant sur l'alphabet rangé sur mes genoux,
La mouche en bourdonnant me disait : « Venez-vous ?... »
et mon nom qui teintait dans l'air ardent de joie,
les pigeons sans liens sous leur robe de soie,
Mollement envolés de maison en maison,
Dont le fluide essor entraînait ma raison,
Les arbres, hors des murs, poussant leurs têtes vertes,
jusqu'au fond des jardins les demeures ouvertes,
le rire de l'été sonnant de toutes parts,
Et le congé, sans livre ! errant aux vieux remparts :
Tout combattait ma soeur à l'aiguille attachée ;
tout passait en chantant sous ma tête penchée ;
Tout m'enlevait, boudeuse, et riante à la fois ;
Et l'alphabet toujours s'endormait dans ma voix.
Marceline Desbordes-Valmore
Bouquets et prières (1943)
Poème :
"La femme" par Sapho
Il l’encercle de mots pour la produire
Elle n’a pas de mots pour se dire
Il dit qu’elle est son continent noir
Elle une ombre un creux une oreille des yeux
Elle l’a encerclé un jour de ses bras
Pour contenir son discours et qu’il parle
Aujourd’hui vertige
Car vient
La parole de la femme
Dans la femme il y a l’homme
Dans l’homme il y a la femme il y a l’enfant
Il s’érige quand elle l’entend
Elle s’ouvre quand elle parle
Elle brise un grand secret
Ils ont peur de ce moment
Il y a le gant il y a le doigt
Ils se retournent
Il implore sa joie de se dresser
Elle dit à ses bouches de le cueillir
Ils sont deux à l’exercice éblouissant
Qui de l’homme sera l’homme
Qui de la femme sera l’homme
L’un ou l’autre
Ils jouent au bord d’un étrange air connu
En éventail dans la chaleur du combat
La femme
Pardonne-moi l’homme
Je ne pourrai jamais te l’expliquer
Je ne me connais pas
À chaque lune oui j’ensanglante la terre
À la lune je suis accordée
L’homme peut frapper la femme
Elle ne peut que le tuer
Elle n’a droit qu’à un geste
Il y a cet homme qui parle mieux des femmes
Que les femmes
Tout l’afflige et lui nuit et conspire à lui nuire
Ah si quelqu’un les a entendues c’est ce Jean-là
Une Grecque éperdue
Où suis-je qu’ai-je fait que dois-je faire encore
L’homme fait l’homme
La femme fait la femme
Où va-t-elle ainsi comme son travesti ?
Elle arrive elle marche douce panthère
Elle glisse des hanches des regards des mines
Mais elle pense à part
Elle jette des yeux à terre
Elle réveille la langue,
L’étrangère.
Son habit fatigué élégant, l’habit de l’homme
C’est le trouble de la femme
Lui aux lueurs de tabac
Son sourire en péril
À lui ses collines blanches
Elle a ri pour le foudroyer
J’ai hissé haut l’image
De la femme qui parle
Mais elle se tait.
Touche-moi
Et je me connaîtrai encore.
Mais quand tu me nommes tu me perds
Alors n’en parlons plus
Pour l’instant?
Poème : "Le bon soleil de Marie Noël"Le bon soleil
(extrait)
L\'usine s\'éveille au petit matin
Et crie... Il lui faut des hommes, des hommes,...
Et son cri perce le repos, brise les sommes
Des pauvres gens cachés dans un songe lointain.
Elle veut soudain se mettre à l\'ouvrage
Et crie... Aussitôt pour la contenter
les pauvres gens s\'en vont par files lui porter,
Vite, chacun sa vie et chacun son courage.
Par la grande route et les chemins creux,
Noirs et pressés, ils viennent, cent ou mille,
Et pareils aux fourmis qui rentrent dans leur ville,
À tous les carrefours, ils s\'abordent entre eux...
Marie Noël
Les chants de la Merci (1930)
éd. Stock
Poème : "Le Corbeau et le Goupil de Marie de France"Le corbeau et le goupil
Il advint, la chose est bien possible,
qu'un corbeau vola
devant la fenêtre
d'un garde-manger ; il aperçut
des fromages qui étaient à l'intérieur,
posés sur une claie.
Il en prit un, et s'enfuit avec.
Un goupil passait, qui l'épia ;
il eut grand désir
de manger sa part du fromage.
Il voudra essayer par ruse
d'enjôler le corbeau.
« Ah ! seigneur Dieu, fait-il,
comme cet oiseau est gentil !
Il n'y a au monde tel oiseau,
de mes yeux je n'en vis plus beau.
Si son chant était comme son corps,
il vaudrait mieux qu'or fin. »
Le corbeau s'entendit si bien vanter
qu'il n'y avait son pareil au monde,
qu'il résolut de chanter.
en chantant il ne perdra rien à sa renommée.
Il ouvrit le bec et commença :
le fromage lui échappa
et ne put faire autrement que tomber à terre.
Le goupil s'empresse de le saisir.
Après il n'avait cure du chant du corbeau,
car il avait satisfait son envie du fromage.
Cet exemple s'applique aux orgueilleux
qui convoitent grande renommée.
par flatteries et par mensonges
on peut les servir à leur gré ;
ils dépensent follement ce qu'ils ont
pour être loués des gens.
Marie de France
(12ème siècle, considérée comme la première femme poète française)
Poème : "Ma Jeanne, dont je suis doucement insensé... de Victor Hugo"Ma Jeanne, dont je suis doucement insensé…
Ma Jeanne, dont je suis doucement insensé,
Étant femme, se sent reine ; tout l'A B C
Des femmes, c'est d'avoir des bras blancs, d'être belles,
De courber d'un regard les fronts les plus rebelles,
De savoir avec rien, des bouquets, des chiffons,
Un sourire, éblouir les coeurs les plus profonds,
D'être, à côté de l'homme ingrat, triste et morose,
Douces plus que l'azur, roses plus que la rose ;
Jeanne le sait ; elle a trois ans, c'est l'âge mûr ;
Rien ne lui manque ; elle est la fleur de mon vieux mur,
Ma contemplation, mon parfum, mon ivresse ;
Ma strophe, qui près d'elle a l'air d'une pauvresse,
L'implore, et reçoit d'elle un rayon ; et l'enfant
Sait déjà se parer d'un chapeau triomphant,
De beaux souliers vermeils, d'une robe étonnante ;
Elle a des mouvements de mouche frissonnante ;
Elle est femme, montrant ses rubans bleus ou verts.
Et sa fraîche toilette, et son âme au travers ;
Elle est de droit céleste et par devoir jolie ;
Et son commencement de règne est ma folie.
Victor Hugo
L'art d\'être grand-père
Poème : "Mon rêve familier de Paul Verlaine"
Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime
Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.
Car elle me comprend, et mon cœur, transparent
Pour elle seule, hélas ! cesse d’être un problème
Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,
Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.
Est-elle brune, blonde ou rousse ? – Je l’ignore.
Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore
Comme ceux des aimés que la Vie exila.
Son regard est pareil au regard des statues,
Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a
L’inflexion des voix chères qui se sont tues.
(Poèmes saturniens)
Paul Verlaine (1844 -1896)
Poème : "Voyages d'Anna de Noailles"Voyages
Un train siffle et s'en va, bousculant l'air, les routes,
L'espace, la nuit bleue et l'odeur des chemins ;
Alors, ivre, hagard, il tombera demain
Au coeur d'un beau pays en sifflant sous les voûtes.
Ah ! La claire arrivée au lever du matin !
Les gares, leur odeur de soleil et d'orange,
Tout, ce qui, sur les quais, s'emmêle et se dérange,
Ce merveilleux effort d'instable et de lointain !
- Voir le bel univers, goûter l'Espagne ocreuse,
Son tintement, sa rage et sa dévotion ;
Voir, riche de lumière et d'adoration,
Byzance consolée, inerte et bienheureuse.
Voir la Grèce debout au bleu de l'air salin,
Le Japon en vernis et la Perse en faïence,
L'Égypte au front bardé d'orgueil et de science,
Tunis, ronde, et flambant d'un blanc de kaolin.
Voir la Chine buvant aux belles porcelaines,
L'Inde jaune, accroupie en fumant ses poisons,
La Suède d'argent avec ses deux saisons,
Le Maroc, en arceaux, sa mosquée et ses laines...
Anna de Noailles
L'ombre des jours ( 1902)
Poème de Claude Albarède : "Couleur Femme"
Violet -non l'oméga – mais SES yeux rehaussés
De douceur où palpite un indigo fragile,
ELLE m'a regardé, et la pluie a cessé.
Du fond de SON regard, le bleu gagna la ville,
Et dans ma vieille écorce un peu de vert suivit...
Le satin de SA robe en passant, frisson jaune,
Au soleil revenu d'un orangé mûrit,
Où, sans se prononcer, du rouge m'a souri...
Printanière éclaircie dans le gris de l'automne,
LA FEMME, je l'écris, est l'arc-en-ciel de l'homme!
Poème de Gabrielle Althen : "Elle ou la décision antérieure"Et il y eut Vénus debout sur les flots dans sa coquille...
Souveraine et blessée
Connivences et mains lentes
La bergère méconnue aux agneaux invisibles
Une à une écartant les parois de la nuit
Femme et étale
Près de la mer de la nécessité
Et le moutonnement des actes répétés
Entre les pieux trop équarris de la brutalité
Elle se lève
Paroles dévidées entre questions et maux
Reine pourtant du silence où s’abîme le coeur
Le corps immense derrière les poignets frêles
- Et le oui antérieur à son geste de vivre
Poème de Marie-Claire Bancquart : "Autour de moi, solitudes éteintes"
Autour de moi, solitudes éteintes :
romancières anglaises, poète américaine, poète allemande…
O brûlantes, arrachées
à elles-mêmes
par l’ordre ancien !
Mais je pense surtout à celle
de siècle plus lointain
qui écrivit :
Bel ami ainsi est de nous
Ni vous sans moi ni moi sans vous.
Au-delà de la différence
je choisis le grand héritage indivis :
bonheur de rues et de nuages
d’une musique, d’un seul mot peut-être,
parcourant la précarité de toute cette partition
qu’un jour nous cesserons de lire, vous et moi.
Que demeure du moins, peut-être infime, le
« Bel ami ainsi est de nous »,
cette voix d’union parmi la dissonance universelle !
Poème de Jeanine Baude : "Trois poèmes "pour Andrée""Dans la démesure des torrents
dis-moi les jours faciles
ceux qui viennent de loin
soustraire les plis de la mémoire
à la mesure d’un pain chaud
la table servie, le poème en creux
dans cette soif, dans cette faim
le rythme quotidien, le pas sur la page
Il suffit d’aller et nous le savons bien
annexées à la mort, annexées à la terre
Dis-moi le livre, le chant, les radeaux
qui remontent le fleuve
les ombelles, les alcôves
la course folle vers l’estuaire
la course folle vers l’incendie
Si l’étoile devint l’étoile
dans le fracas dans l’ombre
du commencement
Dis-moi le sel son acidité
son érosion et l’implosion es rocs
là où se trame la vie
là où se trame la mort
sur la durée ses labours
son écorce
Dis-moi le redoublement des racines
la femme qui s’avance sans amarres
et sans peur debout dans la distance
celle qui écrit au revers des courants
celle qui pense sous la cognée
à l’arbre qui perdure
aux forteresses aux clôtures
pour mieux les cisailler
d’un poème tranchant
comme l’or au soir des certitudes
quand l’âme se délivre
de sa robe charnelle
et que liens se délient
comme fleurs sous l’orage
Le grain serré des morts
a tissé notre chair
Les femmes enlacées dans les flammes
ont crié
contre les rochers du soir
les douves du matin
la sueur perlée, l’aube drue
le bas du ventre
et gluantes, cernées de toute part
ont célébré
le centre blanc
si solstice il y a
quand bascule l’été
son cri de tourterelle
Extraits de Fleuve premier
inédits
Poème de Anne Marie Bernad : "Hommage à Ginette Augier égérie du grand poète Joë Bousquet"
« JE NE SAURAI JAMAIS COMBIEN TU ES JOLIE ,ORIGINALEMENT JOLIE , TOUTE LA POESIE QUE MET TON VISAGE A ETRE AUSSI JOLIE . TES YEUX SONT BLEUS , MAIS ILS SONT LES SEULS DONT ON PUISSE DIRE QU’ILS SONT D’UN BLEU DE MYSTERE »
Le poète a bien parlé, il l’a dépeinte corps et âme dans cette prose poétique; elle avait alors dix huit ans, aujourd’hui, le mystère demeure dans ce bleu qu’elle cultive comme un jardin secret. Egérie d’un grand poète; elle reste cet espace cultivé, fécondé par cet homme immense, visionnaire qui l’a aimée; « MON AMOUR BLEU » disait-il. Comment ne pas trouver dans ce regard de femme cet émerveillement de l’enfance devant cette voix qui lui parle encore de ses rêves. Femme souterraine, d’une aventure dont elle est le centre.
Dans un grand parc, cachée dans sa maison au regard de tous, vit une reine, drapée de bleu, d’intelligence, d’un passé dont elle recréait le fil depuis des années : ciel élevé dans l’esprit, rempli d’innocence, source, douce puissance d’une sensuelle présence. Ce qui l’occupe désormais se déploie dans l’éternité. Dans cet espace, elle va et vient, combat pour la vérité; mais elle est solide; se repaît de ses victoires car c’est à elle qu’appartient le cercle, l’assurance de la beauté consacrée, l’éternité de la pensée de celui qui voulait la voir se dépasser. « Ta vie est en moi », il a fait d’elle une étoile dans un grand mouvement de paroles; il a divinisé ses yeux; son histoire est devenue légende .
Toute tremblante encore d’avoir reçu l’âme du poète, comme un don du ciel; elle porte en elle, la force latente de celui, qui, mêlé à sa profondeur a remué sa nudité secrète. « JE SUIS PLEIN DE TOI », un tel mimétisme s’incruste dans son âme, dans ce rêve, dont il ne reste que des pages écrites « LIEU D’AMOUR »
Née d’un autre monde, qui n’est pas celui de l’oubli, mais du vertige d’avoir été cette enfant au regard bleu, dont un poète avait pris possession; elle continue à errer sur cette terre, avec l’ombre de celui qui lui trouvait un « NOM D’ETE » Parfois elle touche un livre, feuillette les pages d’un manuscrit; elle se sent triste à pleurer mais elle sait, qu’elle appartient à cet autre, qu’on ne peut lui reprendre, elle aime l’avenir.
Dans cette dimension , elle le retrouvera; la perfection lui est demandée, elle veut être belle jusqu’au bout, jusqu’aux limites de cette terre dont elle cherche le sommet, bercée par cette voix qui lui dit « CELUI QUI VIT EN ESPRIT DOIT TIRER DE SON ESPRIT TOUTES LES CONSOLATIONS ». C’est ainsi qu’elle vit dans les liens indissolubles de l’esprit, se tournant vers le Dieu des poètes, afin qu’il devienne comme promis « MAITRE DE L’IRREEL » . Il lui a dit « NOUS NE SOMMES PAS DE CE MONDE –CI », alors elle s’arrête, elle prie, et reste devant lui, cette petite fille offerte, car un jour, il a écrit « IL Y A EN TOI UN ETRE QUE TU NE ME REPRENDRAS JAMAIS » Depuis, avec le ciel, avec ce cœur «FONDANT NOYAU DE L’ESPRIT QUI A SA REALITE DANS L’ETERNITE » : elle tisse son éternité….
Sa vie ne fut qu’expérience, recherche, possédée par l’auteur « couché » qui cultivait la sienne. Auprès de cet homme immense, visionnaire qui l’a aimée « Mon amour bleu » disait-il, dans le crépuscule de la chambre noire elle a vécu une folie existentielle dont elle apprend de jour en jour les limites mais aussi l’ouverture d’une fidélité d’Amour. Depuis elle a offert à Dieu, ce grand désir de sauver et d’aimer encore celui qui l’a quittée il y a longtemps, en faisant le chemin inverse qui la dirige vers la vie, comme si, habitée par l’esprit du disparu, elle le ramenait à Dieu.
Femme, capable de donner naissance au poète, femme de chair, où elle a englouti la déchirure de l’autre, elle a pris sa souffrance à bras le corps, pour en faire une croix, mais aussi son salut, car « L’ETRE EST INEPUISABLE » il est attente et grâce à l’Amour : source de lumière
Poème de Anne Marie Bernad : "Hommage à Manette"
Femme solitaire du temps effacé, elle ne reviendra pas en arrière, car elle porte ce tronc haut et fier du pays Landais et ce visage de sable blanc au bord des lèvres.
L’océan est en elle, barrière des hautes herbes où s’engouffre le vent, oriflamme tendu vers le large. Il y a dans son regard les vastes ressacs d’une eau bleue qui se déroule à l’infini, et lorsque on observe, l’écume des grandes marées.
Elle marche altière, d’un pas souverain dans la mémoire de ces hauts lieux où planent les mouettes; l’espace libère…Elle est l’espace des jours épuisés de sel, où l’auréole de ses cheveux secoue les vagues, elle a été le sel et c’est l’effort qui brille sur ses mains blanches comme un miroir dans lequel elle peut se regarder, encore brûlante.
La vie est à la portée des femmes qui naviguent dans la beauté, qui avancent fièrement comme de grands navires silencieux et secrets qu’il est difficile de vaincre. Femme, porteuse d’eau, de symphonie, de sève, aux lourds regards, aux éclairs gris des brumes océanes.
Le poids des ans a sculpté dans sa chair, la coque légère d’un voilier. De l’océan à l’étang, elle peut ainsi poser sa voile blanche, sa voix de femme où fleurit la tendresse ouverte des fleurs fuschia.
Comment ne pas s’enraciner, dans cette femme d’eau et de voile, de plage et d’espace qui gagne sur la terre, sur la pierre du temps…
Poème de Tanella Boni : "Prends dans ta paume les grains de sable"
Prends dans ta paume les grains de sable
Apportés par le souffle du vent
Et laisse-les couler au gré du temps
Ils peuvent raconter ce qu’ils veulent
Comme toi ami
Habité par la spirale du vent
Qui n’attend pas la cuisson des carottes
Pour applaudir la victoire des bons gagnants
Les grains de sable sont sans attache
Comme les amis de ce jour
Qui ignorent la valeur de l’amitié
Qui partent dans l’air du temps
Oubliant la proximité dans la distance
Pour toi poète au verbe flamboyant
Le bonjour amical et fraternel
Est un rituel qui s’épuise dans le sable
Loin très loin de l’oasis du partage
Les dunes de l’amitié se meuvent
A l’ombre du jour où se tissent
Les fils d’Ariane pour chaque grain
Clamant son ego la brillance de sa peau
Prends dans ta paume le sable qui vient
Et qui part sans attache
Oubliant les mots du partage
Poème de Tanella Boni : "Tous les matins me réveille la pluis"
Tous les matins me réveille la pluie
A l’ombre de ma vie étincelle
Parmi les misères de la ville
Tous les matins me raconte la fenêtre
Tes mots refoulés tes mots oubliés
Tu ne sais pas que je suis vivante
Au gré de l’humeur du monde
Qui ignore ma peau de femme
Où es-tu dans le ciel de l’action
Que tes pas arpentent fil à fil
Depuis l’aube des temps
La pluie a son mot à dire
Même si elle n’imagine rien
Rêve la pluie au petit matin
En lagune assassinée
Lagune aux maux profonds
Car arrose la pluie
Le marché des hommes
Assis sur un gâteau de sable
Au sommet du pouvoir
Marchant à pas de crabe
La pluie ruisselle ses souhaits
La pluie murmure les bonheurs
Inconnus des femmes morcelées
Par l’insouciance de l’amour
Effeuillé au grand jour
Poème de Sophie Braganti : ""Avant on ne disait pas[...]""
Avant on ne disait pas les humains font ceci ou cela mais on disait les Hommes l’homme de Néandertal on disait il y a tant d’hommes sur la planète tant d’hommes dans tel pays que les hommes sont des mammifères hommes d’état grand homme brave homme homme à femmes tiens les voilà et tout ce qu’ils peuvent dire l’homme parle de sa moitié ce que peuvent faire les hommes font l’amour les animaux copulent dans ces hommes il fallait prélever une certaine quantité d’hommes qui en fait étaient des femmes ça englobait les filles les femelles les meufs les nanas les bonnes femmes les mères les sardines les morues les reines les princesses les anges les salopes c’était un peu comme dans ce livre inventé par des hommes où on a prélevé une partie d’Adam pour faire Eve Adam n’a plus été entier on comprend qu’il ait encore à ce jour une dent contre elle puis quand est arrivée la psychanalyse on a distingué la femme par le pénis qu’elle n’avait plus entier alors la femme n’a plus été entière alors Adam court après le manque de sa côte et Eve le manque de son pénis pour finir c’est avec tout ça que la femme depuis le droit de vote en France en 1944 ne s’appelle plus un homme en plus elle pense elle pense je pense donc je compense tout de suite faut citer Sartre on n’est pas un homme tant qu’on n’a pas trouvé quelque chose pour quoi on accepterait de mourir moi j’ai trouvé quelque chose j’ai accepté de mourir pour des hommes je dis « des » car à partir de deux on dit « des » ce qui logiquement fait de moi un homme mais comme la mort c’est un truc d’homme elle n’a pas voulu de moi qui suis une femme parmi les hommes qu’on appelle humains et qui donne la vie et qui donne la vie à tous ceux qui veulent pas mourir qu’une seule fois avec la langue aussi
Poème de Laure Cambau : "extraits de "Le couteau dans l'étreinte""
7)
Quand nos oeufs et nos seins seront carrés
la ponte sera géométrique
et ta main blessée
par mes angles
8)
Circule à dos d’ange
sans avaler les rêves
et ne prends pas froid aux ailes
circule à dos d’ange
sans avaler les ailes
et ne prends pas froid aux rêves
9)
Sois mon plafond ma terre
mon arme noire ma canne blanche
copions sur nos rêves
et dormons sans la peau
10)
Par le trou du silence
tu retrouves l’absente
aquatique et sereine
tu brûles à sa présence
une vie parallèle sud
tu dors dans le ventre d’un ange
puis avales ce poème
parce que toujours
rêver nous échappe
extraits de : Le couteau dansl'étreinte Editions Phi, 2007
Poème de Patricia Castex Menier : "Il y-a-t-il une poétesse dans le livre"
Il y a-t-il une poétesse
dans le livre, le je du livre
cherchez
les thèmes à grand F
traquez l’accord de l’adjectif
poétesse
fi ! le mot est trop laid
écrivaine
la chute est bien rude
femme poète
mais alors elles sont deux
femme de plume
sans S s’il vous plaît
pour éviter le truc et le boa
femme de lettres
mazette ! femme de l’être
femme d’œuvre
pas mal le e dans l’o
comme l’œuf
poète
tout simplement
mais alors à quoi bon la question
Poème de Fabienne Courtade : "on ne dit pas un mot, je parle à l’intérieur"
on ne dit pas un mot, je parle à l’intérieur
de ton intérieur au mien
des pages tachées
des carnets je mets les mains sur les yeux
c’est ainsi, un peu plus loin
un son
très léger
traverse le sommeil
et sûrement des odeurs
s’éveillent en même temps
un autre et moi
tout enveloppés
d’odeurs
je sens son dos
appuyé sur
le goudron
et ce sera parfois le plâtre des murs
Poème de Fabienne Courtade : "Que restait-il quand tout avait brûlé "Que restait-il quand tout avait brûlé
On nage ensemble Contre la peau qui se plisse Et se froisse
au milieu des minuscules bulles d’eau
Pour se protéger
Avec du sable
J’avale gorgée après gorgée
Il me protège je me cache
Je bois le sel
dans ses cheveux à la surface
Tout est d’une douceur imparable
Le mouvement du monde
Des voiles
Qui brûle aussi
Poème de Ariane Dreyfus : "Derrière la porte il ne respire qu’à moitié"
Derrière la porte il ne respire qu’à moitié
Si elle entre rien ne s’arrête
Ne s’oppose
A celle qui s’approche elle est vraie
Maintenant on peut s’ouvrir en deux
Les lèvres pas toutes seules
Pour que ce soit sa figure
Elle recule
Contre l’armoire l’attend, figée de désir
Pas froid chérie
Il faut poser sa robe
Elle touche sa nuque et il respire un peu
Tête baissée ce qu’on devient
Le coeur comme sous les meubles
Regarder ou pas forcément
Les lèvres n’arrivent pas à mordre comme si elles essayaient
Rien ne fait ce qui était prévu mais c’est ça
Poème de Michel Dunand : "J'ai changé de peau..."
J'ai changé de peau.
J'ai changé de bras.
*
Pluie du matin,
sensuelle,
inespérée,
Je te reçois comme un baiser. La nuit joue les prolongations.
Je suis vivant.
***
Nuit d'amour,
tu règneras.
Inédit
Poème de Mireille Fargier-Caruso : "Un battement en elle"
un battement en elle
un mouvement d’eau douce
rayonnement où elle s’enracine
au centre
l’enfantement
quand la douleur
fait craquer les limites
dans la violence
d’une joie infinie
la chair s’écarte
pour laisser passer l’autre
déjà s’échappe
une liberté neuve
lames de fond
une histoire de mer
recommencée toujours
l’amour prend corps
lui tout contre
voudrait apaiser son cri
essuie son front
dedans c’est elle
elle dont le corps se rompt
elle qui touche l’illimité
au bord du gouffre
elle se lie à l’espèce
ancre la permanence avec sa chair
dans l’évidence limpide d’une suite
elle rassemble
de ses gestes ronds
ce que la souffrance
éparpille
douleur de la séparation
de toute éternité
les mères sont quittées
pour que les hommes vivent
la nuit
dans leurs paumes en creux
l’amour
réunit leurs âmes
ils s’unissent
saisissent le sens
Poème de Albane Gellé : "Je femme"
inquiète et encombrée de trop
scrupules qui compliquent
(les yeux devant pourtant - sur le chemin du simple) inquiète et encombrée de trop
scrupules qui compliquent
(les yeux devant pourtant - sur le chemin du simple)
mais piaffant et les larmes
trop près souvent du bord
(souriante en larmes)
il faudrait pouvoir rire - disent mes anges leurs voix claires
rire léger et en avant
avec de l'air je
femme
donne coup de pied
à mes reproches de victime
enfant d'hier grave et silence
(mouvement d'une douceur décidée)
à voix haute je dis
l'intensité – en gratitude ou en colère et
en joie
travers le corps douleurs plaies leurs plaintes
et solitude
et vies vivantes dans le ventre puis dehors
avec moi
remuent grandissent
mais piaffant et les larmes
trop près souvent du bord
(souriante en larmes)
il faudrait pouvoir rire - disent mes anges leurs voix claires
rire léger et en avant
avec de l'air je
femme
donne coup de pied
à mes reproches de victime
enfant d'hier grave et silence
(mouvement d'une douceur décidée)
à voix haute je dis
l'intensité – en gratitude ou en colère et
en joie
travers le corps douleurs plaies leurs plaintes
et solitude
et vies vivantes dans le ventre puis dehors
avec moi
remuent grandissent
Poème de Vénus Khoury-Ghata : "Dans le village des mères"
Dans le village des mères
Les journées tiennent dans un seau d’eau
Les puits réservés aux morts qui éclaboussent les murs de leur silence de suie
Fatiguées d’essorer un temps humide
Les femmes s’adossent à l’air
S’adossent aux arbres entravés où les abeilles font leur miel entre résine et sueur
Les femmes du village des mères partagent leur fatigue avec les vents charpentiers
Elles redressent les maisons renversées par les enfants maladroits
Quatre hivers en un répètent-elles en direction des quatre points cardinaux
Un temps à ne pas mettre une maison dehors
Seuls les chemins sont libres d’aller là où ils veulent
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Pour vous aider à publier votre commentaire, voici la marche à suivre :
1) Écrivez votre texte dans le formulaire de saisie ci-dessous
2) En dessous de Sélectionner le profil, cocher Nom/URL
3) Saisir votre nom (ou pseudo) après l'intitulé Nom
4) Cliquer sur Publier commentaire
Voilà : c'est fait.
Et merci beaucoup d'avoir pris la peine de m'écrire !!!!